« Tu vas avoir un enfant toute ta vie »

31 March 2022

« Tu vas avoir un enfant toute ta vie »

Nous vous présentons ici l’histoire de Mathieu Gratton, animateur et humoriste. Son fils Benjamin est autiste. Jeune adulte, il croque dans la vie à belles dents et fait des projets. Son père revient sur leur parcours, leurs apprentissages et leur relation. Ces propos sont tirés de l’épisode 2 de la saison 1 du balado des proches aidants.

Mathieu Gratton

« L’autre jour, Patricia [Paquin, la mère de Benjamin] m’a ressorti des pictogrammes, avec des petits mots imprimés et plastifiés. Benjamin avait trois ou quatre ans à l’époque. Il n'était pas capable de faire des phrases de plus de deux ou trois mots. Le premier pictogramme était son visage; ça voulait dire « je ». Ensuite, un verbe, puis « nourriture » : je/veux/manger.

Patricia, dès le début, a joué ce rôle d’aidante « naturelle », pendant que moi, je dormais un peu au gaz. (...) Heureusement, j’ai trouvé mon chemin. Benjamin avait peut-être sept ou huit mois quand je me suis réveillé et me suis dit que j'allais commencer à m’impliquer, à lui consacrer du temps, à l’écouter, à voir à ses besoins. Ça n’a jamais arrêté depuis ce temps-là. (...)

Je dormais un peu au gaz.

« C’était notre premier enfant et je n’en ai pas d’autres. Je n’avais pas de référence. Quand tu es nouveau parent, tu as hâte aux étapes classiques. Quand est-ce qu’il va parler? Marcher? On a tous en tête un échéancier semblable. Chez nous, ça n’arrivait pas. La première année, tu ne t’en rends pas compte. Ça passe super vite. Il ne marche pas encore, mais bon, il a un an… Les grands-parents s’en mêlent : « Oui, mais toi non plus, tu n’as pas marché avant un an! » (...) C’est fou, parce que le signal d’alarme est venu de quelqu’un d’autre. On avait une nounou à la maison. (...) J’étais travailleur autonome, et il devait y avoir tout le temps quelqu'un avec mon fils. Ça me fatiguait, même si c’était une super bonne madame. C’est elle qui a allumé. On n’a pas aimé ça quand elle nous a dit qu’il y avait un problème. On est allés vérifier à Sainte-Justine; c’était vrai.

Le jour 1 du diagnostic est celui où tu te fais dire : « Tu vas être parent toute ta vie. Tu vas avoir un enfant toute ta vie ». Il va toujours avoir besoin de nous. Il y a des choses que les personnes autistes vont être capables d’améliorer, mais pour d’autres, voici comment elles fonctionnent. Il y a des choses qu’elles ne peuvent pas développer (...), comme la planification d’une semaine. J'imagine mal Benjamin se dire : « Ah, je suis tout seul, je dois planifier mes repas, aller faire l'épicerie, (...) aller travailler. » Il y a quelque chose qui va être négligé à quelque part (...).

Il ne marche pas encore, mais bon, il a un an… Les grands-parents s’en mêlent.

« Tout ce qui est transport, déplacement d’un point A au point B, il peut le faire tout seul. Il est autonome, bien qu'il arrive encore des erreurs de parcours. Avant-hier, on était à Sherbrooke. Normalement, il est capable de revenir à son point de départ. Là, il a décidé de descendre de l’autobus, d’aller s’amuser dans un concessionnaire automobile. Après ça, il s’est rendu compte qu’il ne pouvait pas revenir (...). Il m’a appelé, je suis allé le chercher. Il est autonome pour se déplacer. C’est quand même bien! Je ne peux pas dire que ça vient juste de nous, parce qu’on a travaillé fort avec lui. Ça vient aussi de lui, de comment il est fait.

On est chanceux et il est chanceux de pouvoir faire ces choses-là. Il a une, deux, trois ou quatre jobs en même temps. Ce qui est important, pour les familles et les parents, que ton enfant soit autiste ou pas, c’est de lui faire confiance et de ne jamais trop faire les choses à sa place. C’est un réflexe de parent qui nuit à l’enfant lorsque celui-ci a le potentiel. Certains enfants ont besoin d’aide, bien sûr (...). Mais je pense qu’on devrait leur faire plus confiance. Qu’ils se plantent deux ou trois fois! (...) Es-tu capable de travailler à la caisse? On peut prendre le temps de le lui montrer. Benjamin a assimilé tout ça. Plus on lui en montre, plus notre charge d'aidant ou de parent diminue. Lui montrer demande énormément de temps, ça ne se fait pas en claquant des doigts. Il faut répéter. Si ça ne marche pas verbalement, il faut essayer d’une autre façon. Chaque petit acquis allège notre rôle et notre charge (...) de travail parental.

La patience, moi, je ne l’avais pas. (...) C'est mon plus grand défaut.

« C’est du cas par cas. Il n’y a pas de solution toute faite. Les façons de communiquer sont différentes avec les enfants autistes. La patience, moi, je ne l’avais pas. (...) C'est mon plus grand défaut et le père d’un enfant autiste ne devrait pas être impatient. (...). J’essaie de travailler sur mes comportements. Par exemple, je réalise que j’ai levé le ton à un moment donné. Or, lever le ton avec des personnes autistes, ça ne marche pas, je vous le dis! C’est vraiment la pire des solutions. Tu sais, des fois, on se tombe sur les nerfs. On est tout le temps ensemble! Il fait quelque chose, il lève le ton, il se désorganise et ça dégénère. Là, je l’ai dans la face que je viens de faire une erreur. (...) Des fois, j’arrive à me retenir. Tu sais, le fameux ton qu’on utilise pour ne pas se fâcher? « Benjamin? Benjamin… Là, j’aimerais que tu ailles dans ta chambre… » Alors, je fais de l’autorégulation : « Mathieu… calme-toi… On va faire chacun nos affaires de notre côté et on se reparle tantôt. » C’est une technique que j’utilise : garder tout en dedans.

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Dans la suite de la vidéo, Mathieu et Marina dialoguent autour du désir d’autonomie de Benjamin, de son activité avec Le monde de Benjamin pour sensibiliser la population à la cause de l’autisme et de l’inquiétude pour l’« après ». Ah oui, et pour le condo moderne que Benjamin désire tant? « Pas trop loin de chez nous, pas trop loin de chez Patricia! », répond Mathieu Gratton.

Écoutez l’épisode 2 de la saison 1 du balado des proches aidants.

Trouver des ressources

east https://repertoire.lappui.org

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