Collaboration spéciale, un texte de l'Association canadienne pour la santé mentale - ACSM - Filiale de Montréal
Un écran noir. C’est tout ce que voit Madeleine lorsqu’elle essaie de se connecter sur la plateforme virtuelle qui devait lui permettre de faire une présentation ce matin. La rencontre est importante et Madeleine sait que ses collègues l’attendent tous de l’autre côté de leurs écrans respectifs. Elle déteste être en retard, la ponctualité est d’ailleurs sa marque de commerce, et maintenant Madeleine voit rouge.
Pendant qu’elle essaie de trouver une solution à son problème de connexion, elle voit l’écran de son cellulaire s’éclairer. C’est sa mère, âgée de 89 ans, qui l’appelle. Contrairement à son ordinateur, son téléphone ne semble jamais avoir de problèmes à rester connecté, 24h sur 24. Il ne dérougit pas, au grand dam de Madeleine, qui donnerait tout pour quelques moments de quiétude. Malheureusement, elle n’a pas le temps, et commence déjà à se demander ce qui peut bien faire en sorte que sa mère l’appelle si tôt. S’est-elle blessée? A-t-elle besoin de quelque chose d’urgent? Ou l’appelle-t-elle pour lui souhaiter joyeux anniversaire, comme elle l’a déjà fait trois fois ce mois-ci, alors que sa fête n’est qu’en mai?
Madeleine sent la tension se resserrer dans son torse et une boule coincée dans sa gorge grossit de plus en plus. 8:42 que lui indique maintenant son cadran, elle est en retard de 12 minutes. Elle essaie de renouveler son mot de passe, mais les bruits de fond causés par son conjoint, qui fait bruyamment la vaisselle dans la cuisine, l’empêchent d’y voir clair. Les éclats de rire de son garçon, qui participe à une activité en ligne avec sa classe, ajoutent à la cacophonie ambiante. Madeleine soupire et se rappelle avec nostalgie son cubicule au bureau. Sombre et minuscule, elle n’aurait jamais cru qu’il puisse lui manquer! Alors qu’elle se tourne brusquement pour attraper un crayon, elle frappe accidentellement sa tasse de café du revers de la main qui se fracasse au sol l’éclabousse et tache le tapis. Madeleine bondit de sa chaise sur l’effet de la surprise, mais reste plantée là, à fixer la flaque brune au sol, complètement dépassée. Plusieurs émotions se fraient un chemin jusqu’à la surface et se font de la compétition pour prendre le dessus; colère, découragement, lassitude, anxiété.
Son conjoint, alerté par le bruit, passe la tête par le cadre de porte pour lui demander ce qui se passe. Comme une bouilloire sifflante, Madeleine bout de l’intérieur alors que des gouttes de sueur perlent sur son front. Mais au lieu d’exploser, elle soulève le couvercle pour libérer un peu de pression : elle fond en larmes dans les bras de son conjoint, qui l’accueille et la console. Elle laisse les émotions monter au lieu de les réprimer. Elle s’assoit un instant. Elle inspire et expire doucement. Lentement, le calme la regagne. Le café est toujours au sol et elle n’a pas encore réussi à se connecter à son ordinateur, mais peu importe, cela attendra. Madeleine a besoin de réduire son stress avant de pouvoir trouver des solutions, parce qu’en ce moment, celui-ci est tellement envahissant qu’il lui brouille la vue et l’empêche de fonctionner rationnellement. Après quelques minutes de respiration profonde, elle écrit à ses collègues pour leur proposer de remettre la rencontre, et s’excuse de l’imprévu. À leur tour, ils sont compréhensifs et proposent de l’aider pour que les problèmes techniques ne lui nuisent pas la prochaine fois.
Est-ce que l’histoire de Madeleine vous rappelle une expérience vécue?
Du stress, nous en vivons tous et il existe une multitude de moyens de le gérer. Même si on aimerait pouvoir s’en passer, on ne peut l’éviter. Ce qui importe de se rappeler c’est qu’on a tout ce qu’il faut pour gérer des situations désagréables, mais cela demande de faire un effort : celui de se donner le droit de vivre les émotions comme elles se présentent et de les exprimer « pour vrai ». Essayez-le, vous serez probablement surpris.