Former pour apaiser
Une conversation avec Charlotte Beaudet, coordonnatrice clinique à Info-aidant, et Isabelle Morneau, conseillère aux proches aidants à Info-aidant, autour du programme de formation et de soutien « Devenir aidant, ça s’apprend! »
Une conversation avec Charlotte Beaudet, coordonnatrice clinique à Info-aidant, et Isabelle Morneau, conseillère aux proches aidants à Info-aidant, autour du programme de formation et de soutien « Devenir aidant, ça s’apprend! »
C : Devenir aidant, ça s’apprend progressivement. On n’apprend pas tout du jour au lendemain. C’est un processus. Le programme existe pour faciliter ce processus. C’est une base pour commencer son parcours.
I : L’idée est que la personne proche aidante apprenne à se connaître elle-même. Elle assimilera de la théorie, mais se rendra aussi compte de ses propres forces, de tout ce qu’elle fait déjà. C’est un cheminement personnel et personnalisé qui améliorera ses connaissances et ses capacités.
C : C’est aussi l’occasion de prendre du recul sur sa situation. Les proches aidants sont toujours tellement dans le « donner, donner, donner ». Ce programme est l’occasion de faire le point en se posant la question : « Où est-ce que je me situe? »
C : Il y a des particularités qui leur sont propres, surtout sur les plans de la communication et de la gestion des comportements difficiles. Il s’agit ici de comprendre les troubles neurocognitifs majeurs et de pouvoir agir en préservant sa santé et son énergie à l’aide de trucs efficaces.
I : L’accompagnement est personnalisé. Le proche aidant est jumelé à une tutrice qui, par des rétroactions, l’aide à intégrer de nouvelles connaissances dans sa vie quotidienne et dans son parcours. La tutrice soutient le proche aidant dans la consolidation de ses connaissances. Tout se passe par écrit sur la plateforme.
I : Oui. Il n’y a ni contact visuel ni appel téléphonique. Chaque semaine, une nouvelle session commence. La personne lit les textes et fait les exercices. La tutrice les reçoit et répond par écrit sous forme de lettre. Elle prend le temps de suivre le parcours de la personne proche aidante et apprend à la connaître. Elle axe ses rétroactions sur les bons coups, les compétences développées et propose des pistes de réflexion.
C : Comme conseillères à Info-aidant, nous recevons nous-mêmes des formations pour ce programme. La formation par écrit requiert des interventions spécifiques : nous avons besoin d’apprendre à communiquer notre chaleur! C’est le défi le plus grand. Au téléphone, on entend la voix, alors que, sur la plateforme, à l’écrit, nous devons parvenir à lire entre les lignes, sans jamais interpréter. L’écrit permet à la personne proche aidante de participer à n’importe quelle heure : lectures, visionnements de vidéos, échanges sur le forum si elle le désire. Elle peut même faire les exercices par tranches de 20 minutes si c’est plus pratique pour elle.
C : Ça a bien adonné qu’on ait commencé à offrir « Devenir aidant, ça s’apprend! » en pleine pandémie. Toutefois, c’était prévu depuis un bon moment! Cela fait partie de la mission d’Info-aidant de soutenir les proches aidants qui ont des difficultés d’accès aux services. Parfois, parce qu’ils sont 24 heures sur 24 avec leur proche, ils ne peuvent pas se joindre en personne à un groupe de soutien ou à une formation. Parfois aussi, ils sont dans une région où il n’y a pas ou peu d’organismes donnant de telles formations. La plateforme en ligne résout le problème d’accessibilité.
I : Je suis tutrice presque à temps plein! Je m’occupe d’une cohorte de proches aidants. Je suis leur lien avec le groupe de participants, je fais les rétroactions, je lis les exercices qu’ils font et j’écris les rétroactions à chaque exercice. Je suis l’évolution de leur parcours.
C : J’ai aussi été tutrice, car il fallait que je connaisse bien le programme pour travailler comme coordonnatrice clinique. J’ai donc un rôle de support. Je planifie les cohortes de huit personnes environ et je veille à la progression des groupes. J’assure le soutien clinique. Si une tutrice reçoit un message difficile, dans lequel on sent de la détresse, je la conseille sur ses interventions. Je fais aussi le lien avec la Chaire de recherche Marguerite-d’Youville d’interventions humanistes en soins infirmiers de l’Université de Montréal. C’est elle qui non seulement a développé les contenus de formation sur la plateforme, mais continue d’évaluer les programmes qu’on offre. La formation que m’a donnée une professionnelle de recherche de cette chaire portait sur la philosophie et l’approche spécifique du programme. Maintenant, c’est moi qui forme les tutrices.
C : Au début, nous avons été victimes de notre succès : après 4 jours, 30 inscriptions! Il a fallu former de nouvelles tutrices. Nous en compterons bientôt sept. Nos listes d’attente sont plus raisonnables.
I : Les proches aidants ont besoin d’être rassurés. Ils ressentent parfois des émotions négatives et se demandent si c’est normal. Je vois beaucoup de changement sur ce point, beaucoup d’apaisement.
C : Dans les bilans que les personnes proches aidantes font à la fin de leur formation, on voit bien le chemin parcouru. Oui, il y a de l’apaisement, mais aussi plus de confiance en leurs compétences. Dans la deuxième semaine, on explore la notion de recadrage. Une participante m’a dit, un jour : « Depuis que j’ai compris comment appliquer le recadrage, j’y ai recours tout le temps, je l’ai même utilisé dans une situation difficile au travail! »
C : C’est une stratégie d’adaptation qu’on emploie dans des situations indépendantes de notre volonté. Par exemple, « Mon proche ne m’écoute pas. » Le recadrage consiste à prendre du recul. Ce n’est pas que mon proche ne veut pas m’écouter, c’est plutôt un symptôme de sa maladie.
I : Oui, c’est transformer les pensées non aidantes en pouvoir, en apaisement et en confiance.
C : Le programme étant confidentiel, les participants peuvent être très transparents. Ils sont dans un espace sécuritaire et sans jugement.
C : J’ai appris que les gens ont plus de potentiel qu’ils le pensent. Et que j’ai plus de potentiel que je pensais (rires)! Le recadrage, c’est devenu un art de vivre.
I : Le pouvoir de l’écoute et le soutien authentique dans l’écrit me surprennent chaque fois. Pour la tutrice que je suis, c’est très valorisant, très agréable, parce que je sais que ça fait une différence. C’est comme semer des graines qui, en poussant, incitent à la réflexion sur la situation.
C : Au bout de sept semaines, c’est beau de voir le chemin qu’a parcouru la personne proche aidante et de voir qu’elle-même s’en rend compte.
C : Oui! En 2022, on lance un nouveau programme de formation et de soutien : « Prendre soin de moi », également développé par la Chaire de recherche Marguerite-d’Youville. Il est destiné aux proches aidants d’aînés atteints de troubles neurocognitifs majeurs et qui sont en hébergement. On le trouvera sur la même plateforme que l’autre programme.
Propos recueillis par Karine Cloutier, chargée de projets aux communications à l’Appui pour les proches aidants. Merci, Charlotte et Isabelle!
Charlotte Beaudet est coordonnatrice clinique à Info-aidant depuis novembre 2021. Avant d’occuper ce poste, elle a travaillé en tant que conseillère aux proches aidants et conseillère clinique. Isabelle Morneau est conseillère aux proches aidants à Info-aidant depuis février 2021.
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