« J’ai espoir que William soit pour toujours entouré de bienveillance »

01 avril 2025

« J’ai espoir que William soit pour toujours entouré de bienveillance »

Julie Gagnon est la mère de William, 20 ans, atteint d’un syndrome rare. Femme engagée, Julie est occupée avec le bien-être présent et futur de son fils et préoccupée par celui des parents d’enfants à besoins particuliers. Voici le regard d'une mère sur l'avenir de son fils à besoins particuliers.

Julie Gagnon et William

Parlez-moi de votre fils William

William est une personne qui, encore aujourd’hui, a besoin d’accompagnement dans sa vie quotidienne. Il ne peut pas rester seul à la maison, ou alors peut-être 30 minutes. Il prend sa douche seul, mais il faut lui rappeler de la prendre! ll est bien à son école, l’école Joseph-Paquin à Québec, spécialisée en trouble de langage, car William a, entre autres, une dyspraxie verbale. Il est toujours prêt quand l’autobus arrive. Il fait des stages de travail dans le cadre scolaire et travaille vraiment bien.

C’est un garçon qui adore les activités. Il aime aller aux activités du Patro Roc-Amadour où il est inscrit un samedi sur deux; d’ailleurs il veut y aller chaque fin de semaine! William aime la vie, beaucoup. C'est un enfant qui socialise facilement. Et comme n’importe quel jeune, il aime aussi parfois flâner.

Et vous, Julie, qui êtes-vous?

Je suis… assez protectrice. Je m’inquiète pour l'avenir. Qu’arrivera-t-il quand nous ne serons plus là? J’ai toujours été très présente pour mes trois enfants. William enfant, mon conjoint et moi trouvions que la vie quotidienne était compliquée, avec deux emplois à temps plein. La fatigue… Mon conjoint avait le salaire le plus élevé à ce moment-là et j’avais ce désir de rester à la maison. 8 ans après avoir quitté mon emploi, je suis retournée sur le marché du travail en 2019, lorsque j’ai senti que William était prêt. Quand il revient de l’école, il reste seul une quinzaine de minutes jusqu'à ce que son frère arrive. C’est gérable!

Je ne dirais pas que je suis contrôlante, mais il y a chez moi une bienveillance qui m’amène à constamment m’assurer que mes enfants sont bien. J’ai tendance à me définir en premier lieu comme mère. Quand William a commencé à aller dans des répits, notre couple a pu dégager du temps; nous avions besoin de nous retrouver. Finalement, après tout le reste, je suis arrivée à prendre du temps pour moi. Juste Julie.

Quelle est la condition de William?

Il y a eu plusieurs diagnostics. Dès la grossesse, un problème au niveau d’un rein a été détecté. Une première chirurgie a eu lieu à 4 mois, en lien avec les reins et la vessie. William a souvent été à l’hôpital entre 0 à 5 ans. Une généticienne a réalisé un caryotype; le diagnostic de syndrome du chromosome 10 a été le plus difficile à recevoir en tant que mère, parce que c’est un état, sans amélioration possible. C’est un syndrome très rare. Nous savions que William ne serait pas très grand, que les problèmes rénaux allaient persister, que déficience intellectuelle et troubles de langage allaient être présents. À tous ces enjeux s’est aussi ajouté une dyspraxie verbale.

Un jour, vous avez eu… du répit. Comment vous êtes-vous sentie?

Quand William était enfant, son comportement était problématique. Il prenait beaucoup de place, demandait temps et énergie à moi, à mon mari mais aussi à ses deux frères.

Une maman m’a convaincue des bienfaits pour toute notre famille d’inscrire William à son premier répit. Je n’avais jamais fait de recherche dans ce sens parce que dans ma tête, je n’étais pas là : amener mon enfant pour une fin de semaine à un endroit où je ne connais personne, c’est non! Alors, la première fois, le détachement a été très compliqué pour moi. Aujourd’hui les répits font partie de la routine de William et de la nôtre. C’est à notre horaire et nous nous organisons en fonction.

William a 20 ans. Avec sa condition, que change la majorité?

Pas grand-chose! Son quotidien est le même. Par contre, pour nous, ça a été anxiogène! Il a fallu faire toutes sortes de démarches liées au passage à l’âge adulte. Nous avons commencé à nous renseigner autour des 17 ans de notre fils. Il y avait des formulaires à remplir, mais à force de fouiller, une tonne de questions a émergé. Tout ça nous était inconnu… Ça faisait peur!

Nous nous sommes concentrés sur les demandes d’aide financière. C’était ce qui semblait le plus « facile », mais il y a eu toutes sortes d’embûches. Nous aurions dû faire tout cela bien avant, avoir su. Ça aurait été beaucoup plus facilitant pour le passage à 18 ans.

Avec l’aide financière de dernier recours de William, nous pouvions bénéficier d’aide juridique. Une avocate nous a accompagnés pour la démarche de tutelle au majeur. Aujourd’hui, William a 20 ans et la tutelle est en place. Il reste à faire une fiducie testamentaire; c’est prévu.

Quelle a été la démarche la plus marquante?

Ouvrir le compte de banque! Ça a l’air simple, mais non! Si seulement j’avais été au courant qu’il fallait ouvrir le compte bancaire avant les 14 ans de l’enfant… Quand nous avons fait cette démarche, William avait déjà 17 ans. Les institutions bancaires ont refusé. Or, pour recevoir l’aide sociale, il faut bien qu’il y ait un compte de banque au nom du jeune adulte!

Heureusement, une notaire nous a dirigés vers une banque en ligne, ce qui nous a permis de faire la démarche, après beaucoup d’appels, de temps et d’énergie. Je dois dire que de façon générale, le gouvernement nous donne beaucoup d’informations et prend le temps de répondre à nos questions.

Pour la démarche de tutelle au majeur, il a fallu revenir vers une institution financière classique, pour ouvrir un compte es qualités.

À quel moment vous êtes-vous sentie proche aidante?

Ça fait quelques années. Nous avons toujours été enclins à chercher de l’aide, notamment auprès du CLSC. Pendant une phase difficile, une travailleuse sociale du CLSC nous a parlé d’un programme pour proches aidants proposé par le Monastère des Augustines. Ces deux journées, alors que William avait 15 ans, ont été un déclic : « on est des proches aidants! »

Pourquoi vous être impliquée dans le nouveau site Web Parent aidant | Cap 18 ans?

L’initiateur du site, Boris Mayer-St-Onge, et moi avons été quelques années sur le conseil d’établissement de la même école. Au moment des démarches pour le passage à l’âge adulte de William, j’ai signalé à l’école combien ces démarches étaient ardues et j’ai donné mes coordonnées dans l’espoir d’échanger avec d’autres parents d’enfants à besoins particuliers. Boris et sa conjointe Brigitte m’ont alors contactée. J’ai trouvé excellente l’idée d’un site pour parents aidants!

Je me suis alors impliquée dans le comité aviseur pour la lecture des différents contenus de la plateforme. Mon engagement a été assez naturel, tout simplement parce que j’ai trouvé le site primordial pour les parents.

Y a-t-il une page du nouveau site que vous auriez aimé avoir sous les yeux il y a quelques années?

Compte de banque peut-être, mais je dirais surtout Tutelle au majeur! Quelle grosse étape! Toutes ces démarches, c’est du stress, du temps et une charge qui s’ajoute aux tâches quotidiennes. Les parents vont gagner beaucoup de temps et s’éviter une bonne dose d’anxiété. Avec la ligne de temps sur la plateforme, ils peuvent se préparer aux différentes étapes.

Avec ce nouveau site, on touche à la question de l’information à laquelle accèdent (ou pas!) les parents…

Oui, c’est le nerf de la guerre. Tous les parents aidants faisaient leurs recherches de leur côté, sans qu'il y ait de partage d’informations. Parent aidant | Cap 18 ans aborde tous les sujets essentiels du passage à l’âge adulte de l’enfant à besoins particuliers. Mais ce n’est pas seulement le passage en tant que tel, c’est aussi l’après. Il nous faudra bientôt faire la démarche de fiducie testamentaire. Les détails de cette démarche sont sur le site, alors je le consulterai.

De quoi rêvez-vous pour les parents d’enfants à besoins particuliers autour de la majorité?

Aujourd’hui encore, le passage de l’enfance à l’adulte comporte beaucoup de démarches administratives et de formulaires. Encore et encore, il faut recommencer et prouver que notre enfant a un handicap. On nous fait passer d’un monde à l’autre alors qu’il devrait y avoir un fil conducteur entre l’enfance et l'âge adulte. Pourquoi ce passage de l’enfance à l’âge adulte ne pourrait-il pas être plus simple? Et s'il y avait moins de paperasse, moins de documents, moins de formulaires et moins de justificatifs?

Nous sommes en avril… De quoi sera fait votre été?

Le camping, on adore! Avec William, il n’est pas possible d’aller loin parce que le transport en voiture est pénible pour lui. Nous campons donc à différents endroits, pas trop loin de la maison, ou proche de nos familles et amis.

En plus des activités d’été du Patro Roc-Amadour, William passera aussi 5 jours et 4 nuitées au camp O’Carrefour à l’île d’Orléans; pendant ce temps, le reste de la famille partira en vacances… un petit peu plus loin!

Je vous dis le mot « avenir », que me répondez-vous?

Le premier mot qui me vient en tête? Inquiétude. Que va-t-il arriver à William quand moi et mon mari ne seront plus là? Tout ça est rangé dans ma tête, dans une petite boîte. Quand et seulement quand c’est nécessaire, je l’ouvre et il en sort tellement d’émotions…

Le deuxième mot : bienveillance. J’ai espoir que William, quand il quittera la maison (dans plusieurs années, nous ne sommes pas encore prêts à ça) pour une famille d’accueil ou un lieu supervisé, soit pour toujours entouré de bienveillance. C’est mon souhait le plus cher.

Merci à Julie Gagnon pour cette émouvante conversation et très bel été à elle et à William!

Julie est membre du comité aviseur de Parent aidant | Cap 18 ans. La nouvelle plateforme vise à simplifier la transition à l’âge adulte en fournissant des informations claires, à jour et accessibles pour aider les parents à traverser cette étape parfois complexe. Avec le soutien de l’entourage, de professionnels ou d’organismes, il est possible de soulager une partie de cette charge et d’offrir des moments de répit.

Pour en savoir plus

Cet article vous a plu?

Abonnez-vous à l’Appuilettre, l’infolettre des personnes proches aidantes et recevez, chaque mois, témoignages, dossiers thématiques ou entrevues.

east Abonnez-vous à l'Appuilettre
close

Besoin de parler?

Contactez Info-aidant pour de l'écoute, de l'information et des références.

Tous les jours de 8 h à 20 h

info
call  Info-aidant :  1 855 852-7784
Clavardage en direct