« Je ne veux pas prendre la place de quelqu’un qui en a besoin! » Des services pour les proches aidants au Centre de jour de la Maison St-Raphaël

05 septembre 2023

« Je ne veux pas prendre la place de quelqu’un qui en a besoin! » Des services pour les proches aidants au Centre de jour de la Maison St-Raphaël

Véronique Després est directrice des services multidisciplinaires à la Maison St-Raphaël à Montréal. Avec elle, nous parlons de soins palliatifs et de décès, autant que de qualité de vie et de douceur.

05 septembre 2023
Maison St-Raphaël - Photo fournie par Maison St-Raphaël

Pourriez-vous nous présenter la Maison St-Raphaël?

C’est une maison de soins palliatifs qui a ouvert ses portes en 2019. Dès le départ, deux missions ont été pensées de concert : le Centre de jour et l’unité de soins de la Maison St-Raphaël.

L’unité de soins est dédiée aux personnes en fin de vie avec un pronostic de moins de trois mois, toute maladie confondue. Nous avons 12 chambres pour ces personnes qui font le choix de vivre leurs derniers jours à la Maison St-Raphaël.

Concentrons-nous sur le Centre de jour. À quels besoins répond-il?

Il est destiné à trois clientèles : les personnes atteintes d’une maladie terminale, les proches aidants et les personnes endeuillées.

Quand je dis « personnes atteintes d’une maladie terminale », cela comprend aussi des malades qui ne sont pas forcément en fin de vie, parce qu’ils ont une maladie en phase évolutive. Nous n’avons pas fixé de critère en termes de temps; la fin de vie d’une femme avec un cancer du sein incurable peut être de cinq ans. On parle ici de soins palliatifs précoces, avec l’objectif de maintenir les personnes le plus longtemps possible à la maison, avec une qualité de vie.

Ensuite, nous offrons des soins aux proches aidants au même titre qu’aux patients. C’est une valeur profonde de la Maison St-Raphaël : les proches aidants ont autant de besoins que les personnes malades.

Enfin, nous accompagnons les personnes endeuillées.

Quels sont les services offerts?

Il y a des soins au corps : massothérapie, acupuncture, physiothérapie, ergothérapie et bain thérapeutique. Il y a aussi des services psychosociaux avec des travailleurs sociaux, une art-thérapeute, une musicothérapeute, une accompagnatrice en soins spirituels. Enfin les loisirs, par exemple une conférence, un concert, un atelier sur les crédits d’impôts, du bricolage ou encore une ruche d’art. Il y a aussi des activités de groupe : art-thérapie, sessions de groupes pour personnes endeuillées, groupes de chant.

Si je venais visiter sur place le Centre de jour, qu'est-ce qui me frapperait?

La beauté des lieux! Ce sont des aires ouvertes, c’est lumineux et stimulant; les gens ont envie de découvrir les différents services et soins. Ils sont frappés par le sentiment de grande bienveillance qui y règne.

Les proches aidants sont touchés par les possibilités de briser l’isolement, de rencontrer une communauté, d’être en contact avec des personnes qui vivent sensiblement la même chose et de créer des liens qui dureront dans le temps.

Une fois arrivés au Centre de jour, que proposez-vous aux proches aidants?

C’est selon les besoins. Pendant les soins du malade, la personne proche aidante en profite pour avoir un peu de répit avec certains soins ou pour recevoir certains services. Par exemple, au moment où la mère, malade, reçoit un massage thérapeutique, sa fille rencontre une travailleuse sociale. Nous sommes très bons pour faciliter les rendez-vous simultanés.

Comment se passe la transmission d'informations entre proches aidants, aidés et soignants/professionnels?

Je rencontre toutes les personnes qui font une demande pour le Centre de jour, que ce soit un malade, un proche aidant ou une personne endeuillée. Je fais alors une cueillette de données pour découvrir leur histoire et connaître leurs besoins. Je cherche aussi à comprendre leurs objectifs : besoin d'être adressés à des services dans la communauté, défis financiers, enjeux dans la relation aidant-aidé. Le plan d’intervention débute à ce moment-là. Nous déterminons comment nous travaillerons ensemble et je connecte les gens aux différents professionnels.

Je me réunis avec l’équipe de professionnels une fois par semaine. Je leur présente les nouveaux venus et leur dossier, pour éviter que les personnes aient à répéter leur histoire.

L’équipe de professionnels qui intervient au Centre de jour est la même que celle de l’unité de soins de la Maison. Si un proche aidant a déjà entamé un suivi avec l’art-thérapeute au Centre de jour, il restera avec le même professionnel si son proche malade est admis à l’unité de soins.

La fréquentation du Centre de jour a-t-elle des répercussions sur les services habituels reçus à domicile?

Cela ne restreint pas l'accès à des services à la maison, bien au contraire! Nous travaillons de près avec les services du CLSC. Si les gens ne sont pas connus du CLSC, nous les accompagnons pour faire une demande. Il a été démontré que les centres de jour contribuent au maintien des personnes à domicile, en complémentarité avec les soins à domicile offerts par les CLSC. Au besoin, nous dirigeons les personnes vers les organismes communautaires dans leur secteur.

Qu'est-ce qu'un centre de jour en soins palliatifs change sur la vie à domicile de la personne en fin de vie?

Une personne qui ressent du stress, des tensions ou des troubles du sommeil peut bénéficier au Centre de jour de services adaptés à ses besoins. Cela peut être par exemple des services d’acupuncture ou de massothérapie avec l’objectif d’améliorer la qualité du sommeil à la maison. Les personnes peuvent déposer tout cela dans un espace sécuritaire. Elles ont aussi la possibilité de bénéficier d’un regard objectif, avec la travailleuse sociale par exemple, sur leur situation.

Quand le décès survient, quel accompagnement proposez-vous aux personnes proches aidantes?

En plus d’un suivi individuel avec une travailleuse sociale et d’un groupe de soutien, les personnes endeuillées peuvent avoir accès à tous les services du Centre de jour dont nous avons parlé plus tôt. Chaque deuil est unique, complexe selon les circonstances. Lorsque la personne en deuil et l’équipe soignante le décident de concert, les services se terminent.

Le Centre de jour St-Raphaël en soins palliatifs est-il le seul de ce genre à Montréal? Y a-t-il un modèle qui pourrait être reproduit ailleurs au Québec et des projets en ce sens?

Actuellement, la Maison Michel-Sarrazin à Québec, la Maison Victor-Gadbois à Saint-Mathieu-de-Beloeil et la Maison Desjardins de Rivière-du-Loup ont aussi un centre de jour.

La Maison Mathieu Froment Savoie, dans la région de Gatineau, a récemment réouvert ses portes. À Drummondville, la Maison René-Verrier ouvre un centre de jour dans quelques mois et plusieurs initiatives sont en développement un peu partout en ce moment. Sur l’île de Montréal, St-Raphaël est l’unique centre de jour de soins palliatifs.

À ma connaissance, le Centre de jour St-Raphaël est le seul à proposer les mêmes services aux malades et aux proches aidants.

Y a-t-il des développements prévus pour le Centre de jour et quel rôle les proches aidants y tiendront-ils?

Absolument! Nous réfléchissons à une clinique de gestion de symptômes : un médecin rencontrerait des personnes malades et qui éprouvent des symptômes propres à la fin de vie, toujours dans l’optique de rester à domicile le plus longtemps possible. Pour la Maison St-Raphaël, ce serait un complément idéal au Centre de jour. Le rôle des proches aidants serait d’accompagner leur proche et de partager des compléments d’informations avec le médecin.

Ces dernières années, on a beaucoup parlé des proches aidants dans l’actualité. Lorsque les proches aidants vous contactent, sentez-vous qu'ils se reconnaissent davantage comme tels?

Question intéressante. J’avais contacté l’Appui pour les proches aidants dès 2019, parce que depuis le tout début nous avons voulu offrir des services aux proches aidants. Or, nous avions de la difficulté à les rejoindre parce qu'ils ne s’identifiaient pas comme proches aidants.

Je crois qu’il y a actuellement une meilleure perception sur le fait d'être une personne proche aidante, mais je dirais que c’est encore à travailler. Encore aujourd’hui, quand je rencontre dans mon bureau une personne malade accompagnée d’un proche aidant et que je dis à ce dernier qu’il a droit aux mêmes services que son proche malade, il réagit : « oh mais non, je ne veux pas prendre la place de quelqu’un qui en a besoin! » Il faut déconstruire cela… J’explique alors aux aidants l’importance de prendre soin d’eux : c’est bon pour eux, c’est bon pour le malade.

Les malades ont souvent l’impression d’être un fardeau. Lorsqu'ils réalisent que leur proche aidant recevra des services et soins, par exemple un moment de douceur avec un massage thérapeutique, pour eux c’est un cadeau…

Merci à Véronique Després pour cet entretien tout en humanité autour de thèmes délicats.

Vous êtes intéressé par les services offerts? Vous pouvez vous adresser directement auCentre de jour, sans être référé par un professionnel de la santé. Il y a une liste d’attente pour l’unité de soins, mais pas pour le Centre de jour. Aucun critère en termes financiers n’est exigé; tout est gratuit, peu importe les revenus de la personne.

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