Bien des idées reçues circulent à propos de l’art-thérapie. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une approche harmonieuse entre l’expression artistique et l’exercice thérapeutique. Pour être art-thérapeute, le chemin est long. La formation, complexe, comprend la psychologie et les arts visuels avant d’accéder à la maîtrise. Annie Bilodeau a suivi ce cursus si particulier. Mise en contact avec la réalité des personnes proches aidantes au cours de sa maîtrise, elle en a fait une spécialité. Au fil des rencontres, elle tire profit de son expérience pour encourager les personnes proches aidantes à se permettre de se faire accompagner.
Une démarche plus accessible qu'on ne croît
En tant que personne proche aidante, avez-vous déjà souffert de troubles de l’anxiété, de l’alimentation ou du sommeil? Il est possible que vous ne fassiez pas le lien entre l’exigence de votre rôle et ces ennuis de santé. Pourquoi? Parce que vous n’avez pas toujours le temps et l’espace nécessaires pour vous observer et évaluer votre situation. Du temps pour que vous puissiez vous pencher sur votre vécu, c’est précisément ce que vous apporte l’art-thérapie : « Chaque personne fait son cheminement et vient selon ses besoins », explique Mme Bilodeau.
En quoi consiste exactement ce cheminement? « À dessiner ou à créer de façon spontanée et symbolique ce qu’ils vivent, pour l’exprimer tout simplement, pour en prendre conscience, pour prendre du recul et pour chercher de nouvelles façons d’aborder leurs problématiques. » Généralement, deux ou trois rencontres sont nécessaires pour s’initier à l’exercice, pour en apprécier la profondeur et la valeur : « Beaucoup de personnes pensent qu’il faut avoir un bagage, une facilité pour l’art, mais c’est tout le contraire! L’art-thérapie est une approche de la psychologie encore bien peu connue. Quand les gens entendent le mot “art”, ils pensent à leurs mauvaises expériences à l’école, par exemple. On ne veut pas que ce soit beau, mais spontané. Lorsque les gens oublient la notion de beauté, ça va mieux. »
Déroulement d'une séance
- Le moment de concentration qui sert à échanger sur le thème, à exprimer ses besoins et ses difficultés. C’est alors que la personne aidante se rend compte qu’elle n’est pas seule, que, bien souvent, quelqu’un a vécu ou vit les mêmes difficultés qu’elle. Des sentiments d’impuissance, de culpabilité et de colère sont souvent rapportés.
- Le moment de création puis le moment d’observation, de réflexion pendant lequel, sans pression et sans forcer la personne, Annie pose des questions sur l’œuvre. Elle propose ensuite que chacun apporte un changement à la création pour lui donner une autre perspective : « Si le dessin est une porte fermée – qui pourrait représenter l’absence de soutien par exemple – on essaie de voir ensemble si une porte entrouverte pourrait être dessinée. Cette ouverture pourrait suggérer, entre autres solutions possibles, de sortir prendre l’air, d’exprimer sa colère ou de demander du soutien à la famille », indique-t-elle.
- Le moment de partage, durant lequel la solution est partagée avec le groupe.
Annie Bilodeau, au cours d’une séance. Source : La Fabrique culturelle.
Comprendre, choisir et accepter les changements
Annie Bilodeau se voit comme une accompagnatrice, mais aussi comme un « filet de sécurité ». Son rôle est d’instaurer un climat de confiance et d’encourager les personnes proches aidantes à nommer leurs besoins, à s’approprier les changements qui surviennent, pour apprendre à être moins surprises : « C’est un espace qui leur est consacré : on leur donne des outils pour se préparer psychologiquement à mieux accepter l’évolution de leur rôle. Elles, qui ont peu de place pour s’exprimer dans leur quotidien, peuvent le faire pendant ces séances. Et lorsqu’elles le font par leur dessin, c’est plus facile. »
Annie Bilodeau le constate tous les jours : être aidant, c’est une aventure humaine très riche, tout comme l’art-thérapie. Une aventure qui prend du temps, mais qui en vaut la peine.