Entrevue avec Isabelle Van Pevenage, chercheure au Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale (CREGÉS) du CIUSSS Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal.
Les intérêts de recherche de Madame Van Pevenage se rattachent à la post-aidance. Ils s’articulent autour – entre autres – de la proche aidance, du deuil et de la relation à la mort, ainsi que des soins palliatifs et de fin de vie.
La « post-aidance » n’est pas un terme officiel et n’est en général pas reconnue, ni par les personnes proches aidantes ni par les intervenants. De manière très factuelle, il s’agit de la période qui suit celle plus ou moins longue de la proche aidance. J’insiste sur cette notion de durée, car cela peut influencer grandement le vécu de la post-aidance. Les personnes proches aidantes peuvent être accaparées par leur rôle au quotidien, se projetant peu dans le futur. Certaines le font, mais c’est plutôt rare. Et bien souvent, elles savent ce qu’il va se passer, mais réfléchir à la post-aidance, au « après », après la mort, après le placement… c’est difficile, on ne veut pas se préparer à cela. Quelque part, c’est une fin – la fin de la relation avec la personne aidée. L’expression consacrée dans une situation d’aidance, ce pourrait être « on va pelleter quand il va neiger ». Et, en fin de compte, cela peut s’avérer un très bon moyen de défense.
Pour les intervenants, on a toujours le problème du manque de ressources, mais au-delà de ça, la post-aidance sort du cadre de leur travail. Une fois que la personne aidée est décédée, son dossier est clos. À moins que la personne proche aidante n’aie elle-même des besoins, elle ne fait plus partie du processus, malheureusement.
Les conséquences sont intimement liées à la durée de la proche aidance, tel que je le mentionnais plus tôt. Si cette étape a été relativement courte, la personne proche aidante vivra son deuil. Dans le cas de la post-aidance, les conséquences peuvent se manifester bien après, mais le deuil s’ajoute à la post-aidance, avec toute la tristesse qu’il implique. Physiquement, les défenses peuvent s’effondrer, la personne peut enfin se permettre de se sentir extrêmement fatiguée, déprimée… Elle peut aussi éprouver un certain soulagement à l’idée que la situation soit terminée. Et c’est là que la culpabilité peut émerger, celle de ressentir du soulagement, alors que la personne aidée est partie.
Il y a peu de soutien psychosocial disponible dans le réseau de la santé, surtout si les personnes proches aidantes ne sont pas identifiées comme telles. Donc, on peut se tourner vers le secteur communautaire, et rechercher des activités sociales qui vont contrer l’isolement, comme des cuisines communautaires par exemple. Ce sont des ressources qui n’ont pas de rapport direct à priori, mais qui peuvent être bien utiles. Se pose aussi le problème de l’accessibilité des informations : si l’on ne sait pas que le problème existe, on ne va pas chercher à le résoudre.
Oui, et le meilleur exemple s’observe dans les maisons de soins palliatifs, dans lesquelles les bénévoles sont souvent d’anciennes personnes proches aidantes. Elles ont pu être soutenues et veulent rendre d’une certaine façon ce qu’elles ont reçu. Selon leur expérience, elles ont pu développer des compétences qui peuvent leur permettre de rebondir, voire même de rebondir sur le marché du travail par exemple. Et elles peuvent aussi ressentir le plaisir d’avoir donné d’elles-mêmes, de pouvoir transmettre des connaissances, et en tirer une certaine fierté.
La meilleure chose à faire serait de ne pas s’isoler, tenter de ne pas s’épuiser, s’entourer et trouver du support. Très important aussi : ne pas cesser de s’investir dans d’autres « identités » : continuer d’être un grand-parent, un conjoint, un ami... bref, ne pas être uniquement un proche aidant.
Vous vivez une période de post-aidance ? Le service Info-aidant reste disponible pour vous, et peut vous informer sur les ressources disponibles pour vous soutenir dans cette phase. N’hésitez-pas à le contacter au 1 855 852-7784 ou en écrivant au info-aidant@lappui.org
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