Le vieillissement de la population explique le nombre de plus en plus important de diagnostics : 1 personne sur 10 en recevra un à 65 ans et 1 personne sur 3, à 85 ans. Tous les projecteurs se tournent vers les équipes de recherche, dont chaque résultat positif est interprété comme une victoire. Dans ce contexte de course contre la montre, la D re Andréa LeBlanc, professeure titulaire de la chaire James McGill de neurologie et de neurochirurgie de l’Université McGill, et Mallar Chakravarty, neuroscientifique et directeur du laboratoire CoBrA Lab, ont récemment fait les manchettes en raison des résultats importants qu’ils ont obtenus. Chacun a accepté de nous expliquer un peu ses recherches et les enjeux actuels liés à la maladie. Traitement, prévention, dépistage, médication? Maladie d’Alzheimer : où en sommes-nous?
La prévention reste le meilleur atout
Le débat entre médication et prévention divise actuellement les groupes de recherche, alors que certains pays ont décidé de ne plus rembourser des médicaments agissant contre les symptômes de l’alzheimer, faute de résultats probants. Pour les deux spécialistes interrogés, la prévention est importante. « Les solutions pharmaceutiques ne permettent pas, à l’heure actuelle, d’enrayer la maladie. Il faut donc entretenir sa résistance cérébrale par une alimentation équilibrée, de l’exercice, moins de stress, des stimulations intellectuelles… », nous rappelle M. Chakravarty. La D re LeBlanc partage ce point de vue : « Une fois endommagé, le cerveau ne peut pas se réparer. En ce moment, il est impossible de dire si une personne est prédisposée au déclin cognitif, et on ne peut pas systématiquement traiter toutes les personnes à 60 ans! C’est pourquoi l’aspect préventif reste notre meilleur atout. »
L'Intelligence artificielle : l'innovation au service du diagnostic
Les travaux de Mallar Chakravarty ont suscité beaucoup d’intérêt au sein de la communauté scientifique : « Montréal occupe une position très enviable sur l’échiquier mondial de l’intelligence artificielle. La conjoncture est idéale. »
À partir d’analyses d’IRM, de données génétiques et de résultats de tests cognitifs, M. Chakravarty et son équipe ont conçu un algorithme capable de prédire le déclin des capacités cognitives d’une personne dans les trois, quatre ou cinq années à venir. Deux ans ont été nécessaires pour arriver à ces résultats. « L’algorithme a été difficile à créer car, au départ, lorsqu’il détectait l’alzheimer, c’était déjà trop tard », explique l’homme de science. L’évaluation neurologique, le bilan clinique, la ponction lombaire, l’IRM et la TEP [tomographie par émission de positrons] permettent déjà de réaliser un diagnostic sûr à 95 %. Alors en quoi l’intelligence artificielle est-elle plus performante? « Il existe de nombreux sous-types d'alzheimer, d’où la nécessité d’utiliser plusieurs sources pour ajuster notre algorithme », répond M. Chakravarty.
La prochaine étape, mais non la moindre, est de poursuivre les tests à l’aide de nouvelles données pour augmenter la précision de l’algorithme. Le directeur du CoBrA Lab a bon espoir de pouvoir collaborer avec les médecins dans un avenir proche : « Le diagnostic de base sera apporté par notre algorithme, mais il ne s’agit pas de remplacer la capacité de jugement d’un médecin, juste d’accélérer les processus. »
Ne pas renoncer à la piste des médicaments
La D re Andréa LeBlanc voit d’un très bon œil les différentes techniques qui sont testées : « L’important, c’est d’avancer, mais en recherche, il faut des preuves, il faut tester. » Elle et son équipe ont découvert un nouveau médicament qui inverse les troubles de mémoire et stoppe l’évolution de la maladie chez les souris. Actuellement en attente pour effectuer les essais cliniques sur des humains, elle estime que deux à trois ans seraient nécessaires pour valider les effets de ce médicament. On distingue deux formes de maladie d’Alzheimer : une forme héréditaire, qui s’explique par la mutation d’un gène et qui peut toucher des personnes de 40 à 50 ans, et une forme sporadique, la plus répandue, due à un ensemble d’éléments touchant au vieillissement, à la génétique, à notre environnement et à notre style de vie. « Si les tests sont concluants, notre médicament pourrait convenir aux deux formes », indique la Dre LeBlanc.
Quelles perspectives pour les proches aidants?
Pour le moment, ces progrès n’ont pas encore d’effet direct sur les proches aidants et les personnes aidées : « Cette maladie étant très médiatisée, beaucoup de fonds sont disponibles et les appuis philanthropiques sont très nombreux. La recherche s’accélère, des hypothèses sont émises, rapidement vérifiées ou réfutées », constate la Dre LeBlanc. Peut-on espérer un traitement efficace pour bientôt? « Il le faut, car il s’agit aussi d’un enjeu social, financier et politique, nous confie-t-elle. Les proches souffrent autant que les personnes malades. » Si vous ou l’un de vos proches êtes atteint de la maladie d’Alzheimer, sachez que des ressources sont disponibles pour vous. N'hésitez pas à contacter les conseillers et conseillères du service Info-aidant pour discuter de votre situation.
Pour en savoir plus sur la maladie d'Alzheimer, consultez notre section dédiée : Alzheimer et autres maladies neurodégénératives
Sources
Entrevue avec la docteure Andrea LeBlanc, professeure titulaire de la chaire James McGill de neurologie et de neurochirurgie de l’Université McGill ;
Entrevue avec Mallar Chakravarty, neuroscientifique et directeur du laboratoire CoBrA Lab ;
Sender, Elena. (2018, septembre). « Alzheimer : Prévenir, ralentir – Le point sur la recherche ». Science et Avenir, no 859, p. 24-35.