Maude, jeune proche aidante : « je suis là pour elle, elle est là pour moi »

01 février 2024

Maude, jeune proche aidante : « je suis là pour elle, elle est là pour moi »

À 19 ans, Maude est étudiante en psychologie à l'Université d’Ottawa. Elle est proche aidante de sa sœur Maëlle, 21 ans, qui vit avec ses parents sur la Rive-Sud de Montréal. Maëlle a un trouble du spectre de l'autisme. Conversation autour du lien affectif entre les deux sœurs et des défis auxquels fait face la jeune adulte.

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Si je dis « Maëlle », à quoi penses-tu?

Je pense à une personne souriante et qui voit toujours le côté positif des choses. Maëlle est autiste de niveau 1. Elle a une hypersensibilité qui peut parfois mener à une désorganisation. Avec une empathie que la plupart des autistes n'ont pas, elle veut aider les autres et pense tout le temps aux autres.

Quel souvenir as-tu du diagnostic? Quelle a été ta réaction?

Je ne me souviens pas du diagnostic, j’étais très jeune. Petite, je remarquais bien que Maëlle était différente et qu'elle n'était pas comme mon frère et moi. Je posais des questions. Ma mère nous expliquait que Maëlle allait toute sa vie faire certaines choses différemment. Elle nous disait que notre grande sœur était un peu comme une petite sœur. Nous l'aimions comme elle était.

Quand j'étais enfant, je savais déjà qu'il fallait que je prenne soin d'elle. Par exemple, à l'école, je ne voulais pas que les autres se moquent d'elle, alors je la prenais sous mon aile. J'ai été une petite fille plus autonome que les autres enfants de mon âge.

Quelle relation as-tu avec ta sœur?

C'est une relation assez positive. Je suis là pour elle, elle est là pour moi. C'est une relation d'aide et d'aidance. Je l'aide pour beaucoup d’éléments : quand il se passe quelque chose dans sa vie, qu’elle a besoin de parler avec quelqu'un qui ne soit ni son père ni sa mère... Pour moi, la proche aidance et le fait d'être sœur, c'est un tout. Ça se complète!

Depuis que je suis à Ottawa pour mes études, je ne suis plus aussi présente dans la vie de Maëlle. Elle peut m'appeler n'importe quand et… Elle m'appelle souvent! Elle dit que je suis une de ses meilleures amies.

Pour mon frère, c'est différent. Elle l'appelle aussi assez souvent. Il lui consacre du temps, alors que moi, il ne me répond pas toujours!

Comment le soutien autour de Maëlle est-il organisé dans ta famille?

Nous sommes une famille dont les membres sont proches les uns des autres. Ma mère a fait attention à donner de l'attention à mon frère et à moi autant qu'à Maëlle. Toute la famille apporte un soutien à Maëlle, chacun à sa manière. Maëlle soupe fréquemment chez ma grand-mère, qui l'emmène magasiner des Pokemon!

Mon propre soutien à Maëlle est surtout émotionnel. Le fait d'être étudiante en psychologie aide. Elle me pose des questions et, avec mes réponses, je l'amène à réfléchir à certains enjeux. Par exemple, je lui demande pourquoi elle a réagi de telle ou telle manière et comment elle aurait pu se comporter différemment. Souvent, elle me remercie de l'aider à réfléchir. Devant une situation de désorganisation, elle pense à nos conversations et cela l’aide.

As-tu déjà eu l’impression que la responsabilité de prendre soin de Maëlle était trop lourde à porter?

J’ai fréquemment trouvé que c'était beaucoup pour mes parents, souvent fatigués.

Mais je n'ai jamais trouvé que c'était trop lourd pour moi. Certaines soirées, peut-être, quand Maëlle me sollicite à répétition... Je lui dis alors que j’ai besoin d'être dans ma bulle. Elle comprend. Parfois, d’elle-même, elle dit être désolée et comprendre que mon besoin de me retrouver dans mon univers. Maëlle est très intelligente et je n'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi empathique!

Quels sont tes défis et tes astuces pour les surmonter?

Un de mes défis est le besoin dont je viens de parler : avoir ma bulle. Il peut arriver que Maëlle m’appelle 15 fois par jour. Je lui dis : « Maëlle, si c'est pas urgent, écris-moi un message au lieu de m'appeler! » Le défi principal est donc celui de la communication et nous travaillons cet aspect ensemble.

Parfois, il arrive qu’elle interprète mal ce que je dis. Les choses peuvent dégénérer et aller jusqu'à une désorganisation. Alors, je rectifie et précise que c'est pas ce que je voulais dire, etc. C'est normal, mais je trouve difficile parfois de faire constamment attention à ce que je dis.

Tu es étudiante et proche aidante. Comment négocies-tu ces deux réalités dans ton quotidien et quels sont les impacts dans ta vie de jeune adulte?

J'ai une routine. Quand je suis à l'école, je suis à l'école. Le soir, si j'ai du temps libre, je peux être disponible pour Maëlle. Chez mes parents, je suis davantage présente pour ma soeur. Je trouve un équilibre pour pouvoir bien faire dans les deux aspects : être soeur et être proche aidante.

Parles-tu ouvertement de ta situation de proche aidante avec tes amis? Était-ce le cas lorsque tu étais plus jeune?

Quand j'étais petite, je me demandais quel serait l’impact de dire que j'avais une sœur autiste. Quelques amis ont toujours été au courant et très ouverts. En grandissant, j'ai pris conscience que des personnes réagissaient mal face à la condition de Maëlle. Or, ma sœur est autiste et le sera toujours. Si ces personnes ne sont pas capables de le comprendre, elles ne seront jamais parmi mes proches!

Aujourd'hui, je parle ouvertement de mon rôle de proche aidante. Faire des études en psychologie y contribue; le sujet de l’autisme m'intéresse. Mes amis sont en psycho aussi; il y a une ouverture. J'en parle plus aujourd'hui que lorsque j'étais plus jeune, alors que je ne comprenais pas nécessairement le regard des autres sur l’autisme.

As-tu un message à adresser aux jeunes proches aidants?

Oui! Toutes les situations sont différentes. Les choses se passent ainsi avec ma sœur, ce qui ne veut pas dire que cela va être exactement la même chose pour une autre personne. Sur les réseaux sociaux, je montre des moments de vie avec ma sœur, ce qui est positif et plaisant à regarder, mais ce n'est pas l’unique réalité.

Je veux aussi dire qu’aider, c'est bien, mais que prendre du temps pour soi, c’est bien aussi! Quand j'étais plus jeune, je m’occupais beaucoup de Maëlle parce que je voulais épauler mes parents. Un jour, ma mère m’a dit que je n’étais pas obligée d’en faire autant. Donc, penser à soi. Y aller un jour à la fois. Avoir un équilibre.

Merci Maude pour cette conversation et au plaisir de vous revoir Maëlle et toi sur Instagram dans votre si belle complicité!

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