Par Catherine Séguin-Green et Marie-Ève Gingras, conseillères Info-aidant et doctorantes de quatrième année en psychologie à l’UQAM
On se réveille rarement proche aidant du jour au lendemain. Ce rôle devient réalité progressivement, à force de prendre soin d’un proche. Les tâches et les responsabilités auxquelles on n’est pas toujours préparés à assumer se multiplient au fil des mois, parfois même des années. Subtilement et parfois sournoisement, les signes de stress et de fatigue prennent de l’ampleur et risquent de nous mener à l’épuisement.
Il est primordial, pour préserver ou améliorer sa santé psychologique, de se réserver du temps pour soi. Une personne proche aidante a une série de tâches quotidiennes et hebdomadaires à abattre, sans parler de la charge mentale, à savoir le fait de se préoccuper de l’autre, de prévoir ses besoins et de planifier en fonction de son bien-être. La nécessité pour les personnes aidantes de prendre soin d’elles-mêmes n’est plus à prouver.
Déléguer
Plusieurs personnes éprouvent de la difficulté à accepter l’idée de déléguer certaines tâches, voire de ne plus jouer ce rôle. Cela leur donne l’impression d’abandonner leur proche ou de manquer à leurs engagements. Par exemple, nombreuses sont celles qui ressentent de la culpabilité à la suite de l’hébergement de leur proche. Pour la personne qui a pris soin d’un parent, d’un conjoint ou d’un ami sur une longue période, la transformation de son rôle d’aidant ne se fait pas sans heurt. Pourtant, la transition vers un milieu d’hébergement ne signifie pas nécessairement une rupture dans la relation. Bien que la majorité des soins quotidiens prodigués à un proche soient dorénavant pris en charge par le personnel du milieu d’hébergement, la personne proche aidante conserve un rôle essentiel de soutien et d’accompagnement à ses côtés. Elle peut toujours lui offrir des moments d’échanges de qualité. Sans compter qu’elle peut l’aider à s’adapter à son nouveau milieu de vie, puisqu’elle connaît bien ses goûts, ses intérêts et ses habitudes. Le guide Prendre soin de moi tout en prenant soin de l’autre de l’Appui Mauricie aborde d’ailleurs les défis que représente la transition vers l’hébergement et suggère des pistes pour mieux vivre ces changements.
Peu importe que l’hébergement soit envisagé ou non, la personne proche aidante doit tenir compte de ses besoins et de ses limites, qui peuvent changer au fil du temps, pour réajuster si nécessaire son niveau d’engagement auprès de la personne aidée. Questionnées à ce sujet, plusieurs personnes proches aidantes rencontrées dans le cadre de notre pratique avouent ne pas se sentir en mesure d’offrir très longtemps encore le même degré de soutien et de soins. D’où l’importance de réfléchir à la meilleure façon de prendre soin de soi, de conserver son équilibre pour pouvoir continuer à prendre soin d’un proche à court, moyen ou long terme (s’accorder du temps pour soi, exprimer ses émotions, prendre soin de sa santé physique et psychologique, rechercher de l’aide, etc.). Les personnes ayant voyagé en avion savent qu’en cas d’incident, la première chose à faire est d’installer le masque à oxygène sur son propre visage avant de le faire pour les autres. Pour être en mesure d’aider une autre personne, il faut d’abord s’assurer de s’aider soi-même.
Certaines personnes croient que demander de l’aide est un constat d’échec. Il est important de tenter de démystifier et de déconstruire cette perception. Qu’est-ce qui se cache derrière? Quelles sont les exigences que l’on m’impose? Quelles sont celles que je m’impose? Ces réflexions permettent de prendre conscience de son expérience émotionnelle et de procéder, au besoin, à des réajustements. Il faut penser un peu plus à soi sans attendre d’avoir dépassé ses propres limites et de se sentir épuisé.
Accepter et exprimer ses émotions
Lorsqu’on prend soin d’un être cher au quotidien, il est normal de passer par toute une gamme d’émotions. Sur ce point, nous vous invitons à lire ce texte publié par le Centre AvantÂge (Des émotions propres aux aidants) qui aborde, entre autres, le poids de la culpabilité. On sait que de nombreuses personnes ressentent un inconfort à l’idée de parler de leurs émotions. Elles peuvent avoir eu l’impression, autrefois, de ne pas avoir été entendues ni reconnues dans leurs émotions (déni, minimisation, dénigrement de l’émotion…). Ou encore, elles peuvent associer ça à une expérience désagréable, accompagnée ou non de sensations physiques déstabilisantes (tremblements, serrements au niveau de la poitrine, sensation d’avoir l’estomac noué, d’avoir un poids sur les épaules, etc.). Cela dit, indépendamment de la détresse émotionnelle et physiologique qui peut être liée à l’expression de ses émotions, il est largement reconnu qu’il vaut mieux exprimer ses émotions, idéalement dans un cadre sécuritaire (par exemple, auprès d’une personne en qui on a confiance ou un professionnel de la santé qualifié), que de les garder pour soi. Il est normal de vivre des émotions, quelles qu’elles soient. Elles doivent ensuite pouvoir s’extérioriser de façon saine. C’est pourquoi il importe de déconstruire les préjugés empêchent cette extériorisation.
Bien que nous en ayons peu conscience au quotidien, l’expression de nos émotions est régie par plusieurs codes sociaux qui influencent – ou dictent même à certains moments – l’intensité et la forme appropriées pour le faire ainsi que les contextes dans lesquels le faire. Peut-on dire alors que les émotions ne sont pas toujours bien acceptées dans notre société? Oui, jusqu’à un certain point. Et cela peut teinter nos façons de faire, nous amener à croire que les émotions n’ont pas ou peu d’importance. Heureusement, tant collectivement qu’individuellement, il est possible d’effectuer un travail réflexif visant à mieux comprendre et à déconstruire certaines croyances et certains tabous, le tout afin de faciliter l’expression des émotions et la création d’un espace approprié pour le faire.
Demander de l’aide
Nous répétons souvent aux personnes qui nous appellent: « Il faut être solide et courageux pour se laisser aller dans sa vulnérabilité et entreprendre des démarches visant à s’aider.» Le fait de demander de l’aide n’est pas un signe de faiblesse ni un constat d’échec. Bien au contraire, en utilisant les ressources de soutien mises à leur disposition, les personnes proches aidantes facilitent leurs démarches, s’offrent un espace pour souffler et prendre soin d’elles, tout en s’assurant que leur proche reçoive le soutien dont il a besoin.
Comme nous l’avons soulevé dans l’article Pourquoi la psychothérapie a-t-elle le potentiel de soutenir un proche aidant? s’accorder un moment pour penser à soi et travailler sur soi est essentiel pour éviter de s’oublier. Se réserver du temps pour soi et se donner l’occasion d’exprimer ses émotions est bénéfique à la relation aidant-aidé. Ça permet d’atteindre un autre registre émotionnel et, surtout, d’empêcher les émotions négatives du passé et du présent de nous submerger au quotidien. Ça fait du bien, et ça permet de passer à autre chose par la suite.
Besoin de parler?
Une première étape pour parler de ses émotions peut être d’appeler une ligne d’écoute. Info-aidant reste à votre disposition pour vous aider, vous orienter et vous écouter. N’hésitez pas à communiquer avec nous par téléphone, au 1 855 852-7784, ou par courriel.
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