Proche aidant après deux accompagnements de fin de vie

01 décembre 2024

Proche aidant après deux accompagnements de fin de vie

Michel Théroux a été proche aidant de sa conjointe et de sa mère. La première est décédée en 2022, la deuxième a demandé l'aide médicale à mourir en 2024. Celui qui est aussi membre du conseil d’administration de l’Appui pour les proches aidants tient aujourd’hui à partager sa double expérience d'accompagnement de fin de vie des deux femmes les plus importantes de sa vie.

01 décembre 2024
Michel Théroux

On dit souvent de l’aide médicale à mourir que c’est délicat...

Je n’ai pas trouvé. Ma mère faisait un choix de vie qui lui appartenait complètement. C’était son contexte à elle, sa situation. Ce qu’elle voyait comme solution, ce qui était le mieux pour elle, c’était l’aide médicale à mourir. J’étais son accompagnateur. Accompagner veut dire être à côté de quelqu’un et l’aider au besoin.

Comment qualifieriez-vous l’aide médicale à mourir?

Je trouve que c’est une belle opportunité offerte aux personnes qui sont dans un certain contexte, pour qu’elles puissent décider : est-ce que je continue à subir ma condition actuelle, ou est-ce que je m’organise pour faire les choses autrement?

Que s’est-il passé à partir de janvier 2024?

Cela faisait deux semaines que ma mère était dans une situation à la fois précaire et stable. Elle avait un anévrisme à l'aorte. L’anévrisme était colmaté mais risquait de se rompre à tout instant. Le poumon était atteint et son cœur fatigué.

Je me disais qu’elle allait peut-être mourir le lendemain ou le surlendemain, ou au contraire qu’elle allait peut-être pouvoir fêter ses 99 ans en juillet. Je ne savais jamais si elle allait encore être vivante au moment de lui rendre visite et, quand j'arrivais, j’entendais un intervenant dire qu’elle en avait peut-être encore pour un bout… Alors, j’étais très ambivalent.

Jusqu’au moment où je me suis dit : « j’arrête de faire en fonction de ce que j’entends autour de moi. Je prends la situation comme elle est, ici et maintenant, sans laisser nécessairement aller mes états d’âme ».

Comment vous a-t-elle parlé de sa décision?

Un jour, ma mère m’a demandé ce que je penserais du fait qu’elle demande l’aide médicale à mourir. Ma première réaction a été : « écoutez Maman, c’est votre choix, c’est vous qui décidez. Moi, je suis votre fils, je vis des émotions mais je n’ai pas à interférer dans votre cheminement ni dans une décision d’une telle importance ». Je ne me voyais pas l’influencer, encore moins tenter de modifier sa décision à cause d’une éventuelle vision des choses que j’aurais eue.

Le lendemain, quand je suis arrivé, elle avait déjà pris les mesures nécessaires pour remplir le formulaire. Quand le médecin est venu lui poser des questions pour l’évaluation médicale, elle a souligné qu’elle avait de la misère à respirer et qu’elle n’était pas confortable. Elle lui a raconté que dans sa jeunesse, un habitant du village était décédé par asphyxie. Elle ne voulait surtout pas vivre cette situation, ni rester dans sa condition. Elle voulait que la situation soit gérée au plus vite. Pour bénéficier de l’aide médicale à mourir, il faut avoir au moins trois conditions de fin de vie. C’était son cas.

Le jour de son décès, ma mère a eu 98 ans et demi. À cet âge, les mois, ça compte!

Comment avez-vous été soutenu pour l’aide médicale à mourir de votre mère?

Depuis 2010, je bénéficie des services pour proches aidants du SEBSA de Saint-Amable et de ceux du CAB de Boucherville. Je participe à des rencontres et activités, je suis accompagné et reçois des services.

À l’hôpital, je n’ai eu besoin de rencontrer ni travailleuse sociale, ni intervenante ou infirmière pour demander plus de détails. J’étais suffisamment outillé et informé. Nous avions discuté d’aide médicale à mourir entre proches aidants dans les groupes de soutien des deux organismes. Je savais à quoi m’en tenir.

Que s’est-il passé pour vous après les décès de votre conjointe et de votre mère?

Pouvoir en parler, et que cette parole soit accueillie, c’est important! Dans les groupes de soutien, nous sommes tous des proches aidants en lien avec des proches qui sont dans la souffrance, à différentes étapes, avec diverses problématiques et maladies.

Pour certaines personnes, c’est un début d'accompagnement, alors que pour d’autres, le soutien se termine. Je suis encore aujourd’hui dans ces groupes de soutien, malgré le fait que ma mère soit décédée il y a quelques mois. La semaine prochaine, je débute des ateliers sur le deuil avec le service de soutien Les aidants des Seigneuries. J’avais d’ailleurs aussi suivi des ateliers sur le deuil à la suite du décès de ma conjointe en 2022.

Que s’est-il passé pour votre conjointe en 2022?

Depuis 2010, elle avait besoin de plus en plus de soutien. En 2022, il y avait une hémorragie interne, son intestin, son foie et son cœur étaient défectueux et elle souffrait d’insuffisance rénale. Le médecin lui a proposé de continuer les traitements ou de les arrêter. Ma conjointe a répondu : « on arrête de se battre ». Le médecin s’est assuré qu’elle comprenait ce que cela voulait dire. Elle a demandé combien de temps il lui restait…

Le cheminement avec votre conjointe en 2022 vous avait-il outillé pour accompagner votre mère?

Ce sont deux situations et contextes complètement différents. Par contre, ma perception de la mort et ma vision de ce passage ont été les mêmes pour elles deux. Autrement dit, ma façon d’agir avec chacune a été différente, mais mon état d’esprit identique : accompagner.

Comment avez-vous traversé le double défi d’une fin de vie en même temps qu’une proche aidance?

Il faut dire qu’à l’époque, la proche aidance auprès de ma mère était légère. Je lui mettais des gouttes dans les yeux chaque soir, je faisais parfois des commissions et l’aidais dans la gestion de ses finances personnelles, mais globalement, elle était autonome!

Après le décès de ma conjointe, n’ayant plus la préoccupation du 24 heures sur 24 à m’occuper d’elle, j’ai senti un vide, un peu comme une deuxième retraite, celle-là non volontaire. J’étais en mode récupération et cela a duré presqu’un an. J’ai alors pu accompagner davantage ma mère à certaines activités et la voir quotidiennement. Un restaurant, la messe, une occupation sociale… Tous les jours, nous avions une petite activité à nous deux. Elle aimait ça.

Oh, ça a dû être tellement précieux pour elle!

Et pour moi…

Auriez-vous un conseil pour accompagner un proche dans sa fin de vie?

Toutes les situations sont différentes. Personnellement, les rencontres que j’ai eues dans les groupes de soutien pour proches aidants m’ont énormément aidé. Oui, il y a la fin de vie, mais avant le décès, il y a tout le processus vécu.

Je me posais beaucoup de questions à savoir comment j’allais faire toutes ces tâches. Avec les intervenants des deux organismes, j’ai appris au fil des années à ajuster ma façon de faire et d’être. En 2022, alors que ma conjointe était depuis deux ans et demi alitée et totalement dépendante, j’ai vécu très sereinement ses six derniers mois de vie. Ça a été un grand moment relationnel avec elle! De ma longue période de proche aidance auprès d’elle, c’est celle que je retiens et qui m'a apporté le plus de satisfaction.

Merci à Michel Théroux pour cette vibrante conversation. Écouter ses mots a été un réel privilège. Le Centre d’action bénévole de Boucherville et les aidants naturels des Seigneuries du Centre d’entraide bénévole de St-Amable, mentionnés par Michel, sont financés par l’Appui pour les proches aidants.

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